Les premières pages du rapport annuel 2023 du GART sont consacrées à un échange avec le président du GART. L’occasion pour Louis Nègre d’exprimer les prises de position portées par l’association ces derniers mois et de réagir à l’actualité du secteur : modèle économique, titre unique, services express régionaux métropolitains, logistique urbaine…
En 2023, le GART a travaillé sur le modèle économique des AOM. Un an après, quels sont les principaux enseignements que vous tirez de cette initiative ?
La relation privilégiée que l’association entretient avec ses adhérents lui permet d’être à l’avant-garde sur cette problématique du financement grâce à la qualité des remontées d’informations issues des réseaux de transport et à l’expertise solide que nous avons sur ce sujet. Ainsi, nous avons travaillé sur cet enjeu avec à la clé, dix propositions concrètes visant à renforcer le modèle économique des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). En effet, le développement massif de l’offre, que le GART appelle de ses vœux, nécessite des besoins de financement complémentaires estimés à 100 milliards d’euros par le Sénat, auxquels les sources actuelles des AOM ne pourront répondre à elles seules. Le recours à l’emprunt financera en partie ces investissements nouveaux. Cependant, les AOM urbaines et régionales que nous représentons doivent disposer de ressources complémentaires pour assurer la soutenabilité financière de leur politique de mobilité. L’État, qui a pris des engagements très ambitieux en matière de transition écologique, doit être au rendez-vous. À ce titre, il est urgent qu’il garantisse la pérennité du modèle économique des AOM en concrétisant les orientations politiques annoncées, par des actions fortes sur le terrain.
Le GART place l’innovation au cœur de son action. Le titre unique illustre ce que nous sommes capables d’initier.
Conscient des difficultés rencontrées, le gouvernement a octroyé des ressources supplémentaires à Île-de-France Mobilités dès le projet de loi de finances 2024, notamment en augmentant le plafond du versement mobilité en zone centrale et en créant une taxe additionnelle à la taxe de séjour. Le projet de loi de finances 2025 devra consolider le modèle économique des AOM, qu’elles soient urbaines ou régionales, métropolitaines ou ultramarines. Dans cette perspective, pour maintenir un équilibre entre les contributeurs actuels au financement de nos réseaux de transport, nous proposons d’élargir le panier de ressources des AOM. Nous sommes conscients qu’il n’existe pas de ressource universelle, c’est pourquoi notre association propose différentes pistes qui pourraient, soit se conjuguer, soit être exclusives tout en étant affectées à la compétence mobilité des collectivités. Certaines de nos pistes visent à réaffecter une part des taxes nationales issues de la route en faveur des mobilités tandis que d’autres interviennent sur les ressources ou taxes existantes du quotidien, ou nécessitent la création de ressources nouvelles. Ces différentes pistes de financement ont été soumises au débat public. Elles sont détaillées dans cette édition de notre rapport annuel.
Le titre unique représente l’une des propositions phares de l’association. Où en sommes-nous dans ce projet ?
Au GART, nous considérons que l’innovation doit simplifier l’expérience voyageur. Le projet de titre unique est à même de répondre à cet objectif. Nous voici devant une révolution silencieuse, un outil indispensable pour créer un choc de simplification et donc encourager nos concitoyens à faire du report modal. C’est-à-dire utiliser des solutions de mobilité alternatives à l’usage individuel de la voiture. Il est indispensable de permettre à chacun de pouvoir accéder à l’ensemble de l’offre de mobilité, sans devoir à chaque fois s’adapter à la diversité des supports et des titres propres à chaque réseau de transport, voire à chaque type de service. Cette idée figurait parmi les sept propositions prioritaires du GART pour la mandature 2022-2027 et nous l’avons proposée à l’État dès l’année 2022. Cette idée va désormais passer au stade de l’expérimentation. Le 23 avril 2024, j’ai participé au premier comité de pilotage dédié au projet de titre de transport unique national. Cette réunion a permis de préciser les contours de l’expérimentation qui est prévue pour la fin de l’année. Cette initiative témoigne du rôle de notre association qui ne se cantonne pas uniquement à porter la voix des AOM. Le GART porte également une réflexion sur les mobilités et place l’innovation au cœur de son action. Le titre unique illustre ce que nous sommes capables d’initier.
Le GART a élargi son champ d’action aux services express régionaux métropolitains. Quelles actions avez-vous engagées ?
Les collectivités doivent faire face au défi de la desserte des territoires peu denses. Plus que jamais, il est donc nécessaire d’offrir des services de mobilité efficients à celles et ceux qui, aujourd’hui surtout dans le périurbain, ne bénéficient pas de services de transports en commun performants et ont impérativement besoin de leur voiture pour aller travailler. La loi SERM, pour services express régionaux métropolitains, est une première réponse utile, qui fera naître de nombreux espoirs mais engendrera des déceptions, j’insiste, si les régions n’ont pas les ressources nécessaires pour les financer. Il ne faut pas oublier les autres modes tout aussi efficaces comme les cars express ou le covoiturage qui représentent également une solution attendue par nos concitoyens. Les SERM sont un enjeu crucial pour l’irrigation d’un large territoire autour des métropoles. Le GART, lieu où tous les niveaux de collectivités territoriales se retrouvent, se mobilise sur cette question et a engagé une série d’actions. À la fin de l’année 2023, deux administrateurs du GART ont été désignés pour piloter les travaux de l’association sur ce sujet. Il s’agit de Gérard Chausset et de Jean-Pierre Serrus, représentant respectivement les métropoles et les régions. En mars 2024, le GART a réuni à Bordeaux le premier colloque sur ce dossier qui a réuni l’ensemble des acteurs concernés pour échanger sur les enjeux de gouvernance et d’intermodalité. À ce titre, je veux remercier les intervenants et les participants qui ont contribué à faire de cette manifestation, un véritable succès. Cet événement a également été l’occasion pour les élus du GART de rappeler à l’État son obligation de moyens pour dégager des financements à la hauteur des ambitions qu’avait lui-même fixées le président de la République en novembre 2022. Nous avons été entendus puisqu’en avril 2024, Patrice Vergriete, le ministre délégué chargé des Transports, a annoncé qu’une conférence nationale de financement se tiendrait d’ici la fin de l’été 2024 pour identifier les moyens permettant aux autorités organisatrices de la mobilité urbaines et régionales de financer l’augmentation de l’offre engendrée par la mise en œuvre des SERM.
Notre association propose différentes pistes qui pourraient, soit se conjuguer, soit être exclusives tout en étant affectées à la compétence mobilité des collectivités.
La logistique urbaine représente un enjeu crucial pour les villes. Quelle position porte l’association sur ce sujet ?
Au-delà de la mission traditionnelle des autorités organisatrices de la mobilité, le GART a reçu un mandat du gouvernement pour travailler sur la question de l’amélioration des conditions de livraison en ville. C’est un sujet qui préoccupe tous les maires. Dix ans après la loi MAPTAM qui nous a permis d’obtenir un succès remarquable avec la décentralisation du stationnement payant sur voirie, le GART défend la possibilité, pour les gestionnaires de voirie, de dépénaliser le stationnement sur les aires de livraison dans le but de faciliter la circulation des marchandises en ville, qui commence à enfin être prise en compte dans les politiques publiques.
L’European Mobility Expo se tiendra à Strasbourg en octobre prochain. Comment abordez-vous cette édition ?
Le territoire est à la fois un symbole et une vitrine pour le transport public. Un symbole tout d’abord puisque Strasbourg est un lieu attractif situé au carrefour de l’Europe. La ville compte parmi les trois capitales de l’Europe avec le Parlement européen. Une vitrine ensuite car le territoire est fortement engagé dans une politique de mobilité ambitieuse. Son réseau de transport est l’un des plus performants de France et représente une source d’inspiration pour les professionnels de France et d’Europe. Nous profiterons de ces trois jours de manifestation pour découvrir ou redécouvrir les atouts de l’Eurométropole de Strasbourg et de la Région Grand Est en matière de mobilité durable. Le salon offrira par ailleurs une tribune aux acteurs du secteur pour porter leurs positions et alimenter leurs réflexions. Ce temps d’échanges que nous permet ce type d’événement est nécessaire et salutaire à l’heure des choix stratégiques et opérationnels que nous devons faire. La présentation d’une innovation, le débat sur une problématique du secteur ou l’essai d’une technologie, c’est ce qu’offre l’European Mobility Expo à ses visiteurs. Du 1er au 3 octobre prochains, cette édition strasbourgeoise permettra de réunir toutes celles et ceux qui souhaitent faire avancer la mobilité durable française et européenne.