Quelles obligations en matière d’aménagement cyclable ?

    L’article fondateur relatif aux aménagements cyclables, introduit par la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (loi LAURE) de 1996, visait à promouvoir les mobilités actives en imposant l’intégration de pistes cyclables lors de la création ou rénovation de voies urbaines. Cependant, sa rédaction initiale était imprécise, entraînant des interprétations jurisprudentielles fluctuantes, notamment sur la définition de la notion de « réalisation ou rénovation » des voies et sur les contraintes liées aux besoins de circulation.

    La loi d’orientation des mobilités (LOM) a clarifié certaines ambiguïtés en réaffirmant l’obligation d’aménagement cyclable. L’article L. 228-2 du Code de l’environnement impose ainsi aux collectivités locales de prévoir lors de la création ou rénovation de voies urbaines des itinéraires cyclables adaptés, tels que :

    • pistes cyclables ;
    • bandes cyclables ;
    • voies vertes ;
    • zones de rencontre ;
    • marquages au sol (pour certaines chaussées spécifiques).

    Cette exigence s’applique à toutes les voies urbaines, à l’exception des autoroutes et des voies rapides. Les aménagements doivent être réalisés en fonction des besoins et des contraintes de circulation, comme les voies vertes ou encore les zones de rencontre. Pour les voies à sens unique et à une seule file, des marquages au sol peuvent suffire.

    Lorsque des projets visent à créer des voies dédiées aux transports en commun en site propre et que l’espace disponible est limité, il est possible de permettre aux cyclistes d’emprunter ces voies. Cette solution reste toutefois conditionnée à ce que la largeur de la voie garantisse un dépassement en toute sécurité, conformément aux règles du code de la route.

    Ces aménagements doivent être en cohérence avec les orientations définies par le plan de mobilité local, lorsque celui-ci existe.

    Cependant, cette obligation est inégalement appliquée, entraînant des contentieux fréquents devant les juridictions administratives. Soucieux de garantir une bonne application de la lettre et de l’esprit de la loi, les juges cherchent alors un équilibre entre l’exigence d’aménagement cyclable et les contraintes locales.

    En cas de litige, le juge administratif réalise donc une analyse in concreto du projet afin d’examiner si l’obligation, posée par l’article L. 228-2 du Code de l’environnement, est respectée en fonction des caractéristiques locales.

    Le juge vérifie que :

    • les travaux en question peuvent être qualifiés de rénovation ou de création ;
    • l’aménagement ou l’absence d’aménagement respecte bien les exigences légales.

    Quels travaux peuvent être qualifiés de rénovation ou de création au sens du Code de l’environnement ?

    Toute transformation d’une voie urbaine, comme celles portant sur des carrefours, le stationnement, la gestion des eaux pluviales, ou l’élargissement de la chaussée, peut être qualifiée de rénovation (CE, 30 novembre 2020, Commune de Batz-sur-Mer, n° 432095).

    En revanche, l’obligation d’aménagement cyclable ne s’étend pas aux nouvelles voies exclusivement destinées aux transports collectifs en site propre. Dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris de 2017, il a été jugé qu’un tel projet, impliquant des restructurations partielles de certaines voies et le maintien d’autres en l’état, ne nécessite pas la création d’itinéraires cyclables sur l’ensemble du trajet (CAA Paris, 16 novembre 2017, n° 16PA01034).

    Ce qu’il faut savoir en matière de contrôle des projets d’aménagements

    Contrôle de la qualité des aménagements

    Le juge contrôle la qualité des aménagements cyclables. Il a, par exemple, été jugé que les équipements sommaires, comme de simples marquages au sol, ne suffisent pas à répondre aux exigences de l’article L. 228-2 du Code de l’environnement. La Cour administrative d’appel de Douai a ainsi censuré une collectivité qui s’était limitée à des remonte-files et à des sas vélos (CAA Douai, 16 mars 2021, n° 20DA00786).

    Contrôle du niveau de sécurité assuré par ces aménagements

    Le juge exige de prendre en compte la configuration de la circulation sur laquelle a lieu le projet. À ce titre, il été a considéré que si une route est à double sens pour les véhicules motorisés, l’itinéraire cyclable doit également être accessible dans les deux sens, sauf justification technique ou de sécurité (CAA Lyon, 3 octobre 2024, n° 23LY02417).

    Panorama des décisions refusant l’aménagement d’un itinéraire cyclable

    Refus d’aménagement en raison de l’existence d’un itinéraire cyclable

    Le juge a reconnu qu’il était possible de dissocier l’itinéraire cyclable et la voie rénovée dans des cas exceptionnels, notamment lorsque la configuration des lieux impose une telle séparation. Toutefois, cette dissociation doit rester limitée. La jurisprudence a ainsi invalidé des projets où la collectivité avait tenté de s’exonérer de son obligation en raison de l’existence d’un autre itinéraire cyclable. Cependant, en l’espèce, l’itinéraire se situait à plusieurs centaines de mètres et desservait d’autres points, par conséquent la Cour a jugé que cela ne pouvait justifier une absence d’aménagement sur la voie en cours de rénovation (CAA Nantes, 30 avril 2019, n° 17NT00346).

    Refus d’aménagement pour des raisons de sécurité

    La Métropole Aix-Marseille-Provence avait refusé de créer un itinéraire cyclable sur une avenue en travaux, arguant que la largeur de la voirie ne permettait pas un tel aménagement. Le tribunal a néanmoins annulé cette décision, estimant que la largeur de la voie permettait la réalisation d’une voie cyclable (TA Marseille, 25 avril 2017, n° 1403742).

    Refus d’aménagement en raison de la protection de l’environnement

    La création d’un itinéraire cyclable nécessitait l’abattage de tilleuls, pourtant protégés par le règlement d’urbanisme. En l’espèce, la cour a donné priorité à l’aménagement cyclable, considérant que la conservation des arbres, bien que souhaitable, ne pouvait faire obstacle à la sécurité publique (CAA Bordeaux, 20 décembre 2018, n° 16BX02848).

    Par conséquent, les arguments invoqués par les collectivités pour justifier un refus d’aménagement, ou des aménagements insuffisants, tels que des contraintes financières ou techniques, sont strictement encadrées et contrôlées par le juge. En effet, si le juge considère que ces contraintes peuvent influencer le type d’aménagement retenu, cela ne saurait justifier une absence totale d’aménagement. En somme, la mise en œuvre de voies cyclables, prévue par l’article L. 228-2 du Code de l’environnement, vise à promouvoir un développement harmonieux et sécurisé des infrastructures cyclables dans les milieux urbains, tout en cantonnant les dérogations à des situations spécifiques, qui doivent être rigoureusement justifiées par des circonstances locales particulières.

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    27 février 2025 – Crédit : Adobe Stock