Les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) doivent simultanément poursuivre le développement de leurs réseaux de transport urbain et régional tout en favorisant leur intermodalité et en proposant des offres de mobilité adaptées dans les territoires où les transports collectifs ne sont pas efficients. Par ailleurs, répondre à l’urgence environnementale nécessite un choc d’offre indispensable pour favoriser le report modal et apporter des alternatives à l’autosolisme notamment dans le cadre des zones à faibles émissions-mobilité, mais impose aussi de décarboner les flottes de véhicules de transport public. Maintenir une qualité de service optimale requiert enfin la régénération des infrastructures existantes et la poursuite de leur développement. Or, ces ambitions se traduisent par un mur d’investissement à réaliser auquel les sources actuelles de financement des AOM ne peuvent répondre à elles seules. Certes, le recours à l’emprunt financera en partie ces investissements nouveaux, néanmoins les AOM urbaines et régionales doivent disposer de ressources complémentaires pour assurer la soutenabilité financière de leur politique de mobilité.
28 milliards d’euros
Cela correspond aux besoins de financement supplémentaires – investissement et fonctionnement compris – pour les AOM urbaines hors Île-de-France, entre 2023 et 2030. Soit une moyenne annuelle de 3,5 milliards d’euros.
Les récentes annonces du gouvernement montrent qu’il contribuera en partie aux investissements ferroviaires, même si les conditions et la hauteur de son engagement ne sont que partiellement arbitrées. Les projets de transport urbain sont, quant à eux, les grands absents de ces annonces. En revanche, l’État n’apporte aucune solution à la consolidation du modèle économique des AOM urbaines et régionales leur permettant de financer tant leurs dépenses d’investissement que de fonctionnement. Il est urgent que l’État garantisse la pérennité du modèle de financement de nos autorités organisatrices de la mobilité en faisant évoluer leurs ressources actuelles ou en leur accordant des ressources complémentaires.
Face à ce constat, le GART a dégagé un certain nombre de propositions visant à renforcer la résilience du modèle économique des transports publics. Les associations d’élus parties prenantes de la mobilité – Régions de France, France urbaine et Intercommunalités de France – partagent ces propositions. Conscient qu’il n’existe pas de ressource universelle, les élus du GART proposent différentes pistes qui pourraient, soit se conjuguer, soit être exclusives, tout en étant affectées à la compétence mobilité des AOM. Ces dernières seront présentées au gouvernement et au Parlement dans le cadre des discussions du projet de loi de finances pour 2024.
Répartir les taxes issues de la route en faveur de la mobilité
L’objectif est d’affecter une partie des recettes issues de la TICPE, aujourd’hui fléchées directement au budget de l’État, au financement de la mobilité du quotidien. Si cette affectation était confirmée, ces recettes permettraient, à elles seules, de répondre aux enjeux de mobilité auxquels notre pays se doit de faire face.
Augmenter la contribution des usagers
Les AOM disposent de la liberté tarifaire et peuvent, si elles le souhaitent, faire évoluer la contribution des usagers qui est, en France, l’une des moins élevées d’Europe.
Flécher une partie des recettes des concessions autoroutières vers la mobilité
Des réflexions sont actuellement engagées par le Gouvernement afin de faire contribuer le secteur autoroutier au financement du plan d’investissement de 100 milliards d’euros pour le transport ferroviaire, dans un contexte double de renouvellement des contrats de concession prévu entre 2031 et 2036 mais aussi de transposition de la directive Eurovignette en droit français. Ces réflexions pourraient être élargies de sorte que le secteur autoroutier contribue plus largement à financer les projets de mobilité portés par les AOM.
Baisser la TVA à 5,5% pour les transports du quotidien
Historiquement à 5,5%, le taux de TVA appliqué aux transports du quotidien a été relevé par deux fois, à 7% puis 10% en 2012 et 2014. Revenir au taux de 5,5% confirmerait les transports du quotidien comme un service de première nécessité.
Affecter une partie des recettes provenant de la fiscalité environnementale à la mobilité
Deux leviers de fiscalité environnementale pourraient directement contribuer au financement de la mobilité du quotidien, par une affectation de la composante carbone d’une part et par un fléchage d’une partie des recettes issues du système européen des quotas d’émission (SEQE-UE) d’autre part. Plus spécifiquement, la révision de la directive européenne sur les quotas d’émissions impose aux États de flécher une partie des recettes du SEQE-UE vers l’accompagnement à la transition énergétique, que la France pourrait décider d’affecter à la mobilité du quotidien.
Faire évoluer le versement mobilité
Impôt assis sur la masse salariale des employeurs publics et privés d’au moins 11 salariés, le versement mobilité contribue au financement des AOM urbaines en Île-de-France et hors Île-de-France. Différentes évolutions sont proposées pour garantir aux AOM urbaines des marges supplémentaires par un abaissement du seuil, un relèvement des taux plafonds ou la création d’une majoration « offre supplémentaire ». L’opportunité de mettre en place un versement mobilité à la faveur des régions agissant en tant qu’AOM locale de substitution en lieu et place des communautés de communes qui n’ont pas pris la compétence mobilité est également interrogée tout comme l’évolution du versement mobilité additionnel des syndicats mixtes SRU afin de faire évoluer ses modalités de collecte et financer des actions ou des services contribuant à l’intermodalité (RER métropolitains ou cars express par exemple).
Affecter une partie des recettes du secteur aérien à la mobilité, voire appliquer, par équité fiscale, la TICPE sur le kérosène
Le secteur aérien pourrait légitimement contribuer directement au financement de la mobilité du quotidien considérant qu’il est, d’une part responsable d’émissions de CO2 et de polluants atmosphériques, et d’autre part, profite d’une fiscalité avantageuse en comparaison des autres modes de transport, d’autant plus qu’il bénéficie directement de la desserte des réseaux de transport public. Différents leviers fiscaux peuvent ainsi être analysés tels qu’un assujettissement progressif de la TICPE sur le kérosène ou des taxations additionnelles aux taxes existantes.
Faire contribuer les livraisons de logistique urbaine (colis, chiffre d’affaires des entreprises de ecommerce ou de livraison)
L’augmentation croissante des livraisons de colis à domicile génère des impacts négatifs en termes de pollution ou de congestion par exemple, et notamment sur nos réseaux de transport public. De ce point de vue, il est proposé d’actionner différents leviers en s’inspirant notamment d’expériences étrangères (États-Unis, Espagne…) : une écocontribution sur les colis livrés à domicile, voire un mécanisme de taxation du chiffre d’affaires des entreprises de e-commerce et/ou de leurs plus importants transporteurs. Ces différents leviers permettront non seulement de contribuer à la mobilité du quotidien, mais aussi de redynamiser le commerce de centre-ville en modifiant les comportements d’achat des Français par l’incitation à la livraison en point-relais.
Financer les infrastructures de transport par les plus-values immobilières et foncières
Plusieurs tentatives de mise en place de taxation des plus-values immobilières liées à la réalisation d’infrastructures de transport public ont échoué en France. Différentes expériences européennes et internationales réussies démontrent l’intérêt de s’y intéresser de nouveau pour permettre aux AOM de bénéficier en partie des plus-values générées par les infrastructures qu’elles développent aux moyens de mécanismes fiscaux : taxe additionnelle à la taxe foncière ou à la taxe spéciale d’équipement, généralisation de la taxe sur les bureaux en vigueur en Île-de-France, taxe sur les plus-values immobilière et foncière réalisées dans le cadre de cessions de grands projets immobiliers…
Introduire des dispositifs de maitrise, voire de réduction, de l’usage de la voiture particulière (péage urbain, carte multimodale…) et mobiliser tout ou partie des recettes pour financer des solutions de mobilité alternative
Avec les objectifs de réduction de notre empreinte environnementale et de qualité de l’air, il est nécessaire de repenser les outils de maîtrise de la place de la voiture particulière. Il est donc proposé de réinterroger le dispositif des péages urbains, au regard des expériences européennes (Italie, Norvège…), voire de mettre en place une carte multimodale pour tous les automobilistes leur permettant d’utiliser soit l’espace public, soit le réseau de transport public.