Dans sa proposition législative publiée le 14 février dernier, la Commission européenne exige que tous les nouveaux bus urbains vendus dans l’Union européenne soient zéro-émission dès 2030, ce qui se traduira par une obligation pour toutes les collectivités, peu importent leur taille et leurs choix technologiques et investissements antérieurs, à acquérir uniquement des bus électriques ou à hydrogène – beaucoup plus onéreux que des bus diesel ou au gaz – et ceci dans un délai extrêmement resserré.
En leur qualité d’associations représentatives des élus territoriaux, des opérateurs de transport public urbain et des industriels de la filière automobile, le GART, l’UTP et la PFA soutiennent pleinement l’objectif de verdissement des transports recherché par la Commission européenne, et soulignent les efforts déjà engagés qui ont permis d’accroitre de façon très significative les bus urbains à énergie alternative, et notamment les bus électriques. Au niveau de l’offre, les constructeurs ont la capacité technologique et industrielle de répondre dans les années à venir au besoin croissant en bus urbains zéro émission.
Dans une lettre commune adressée à la Première ministre le 9 juin 2023, les trois acteurs ont néanmoins alerté le gouvernement français sur le fait que le rythme imposé par ce texte expose le transport public urbain à un risque majeur de vulnérabilité économique et soulève de très sérieuses interrogations quant à sa faisabilité, eu égard aux conséquences financières induites pour les Autorités organisatrices et leurs réseaux de transport public urbain, mais aussi face aux exigences de déploiement des infrastructures de recharge qu’il impliquerait dans les territoires concernés dans des délais trop contraints.
Imposer dès 2030 comme solution unique des bus urbains zéro émission induirait d’importants retards sur le renouvellement de la flotte, avec des conséquences environnementales préjudiciables et un risque pour les usagers des transports publics si cet investissement contraint devait se traduire par une baisse de l’offre de transport. C’est la raison pour laquelle le GART, l’UTP et la PFA plaident pour une trajectoire ambitieuse mais plus respectueuse du principe de neutralité technologique, en fixant des objectifs de – 80% en 2030 et – 90% en 2035 ; avec la possibilité d’une clause revoyure pour fixer d’ici là l’objectif chiffré à l’horizon 2040.
Cette approche permettrait de maintenir les capacités de renouvellement de la flotte des collectivités et d’en cumuler ainsi les bénéfices environnementaux plutôt que de freiner ces renouvellements par manque de capacités financières pour investir vers le 100% zéro émission.
2 milliards d’euros
Les collectivités estiment à deux milliards d’euros le soutien nécessaire en investissement pour atteindre les objectifs de transition énergétique du parc de véhicules dans les cinq prochaines années.
Le GART, l’UTP et la PFA appellent à une cohérence entre les différentes politiques publiques relatives à la transition énergétique du transport public aux niveaux européen et national. En effet, cette nouvelle exigence réglementaire serait en contradiction avec celles établies dans la directive (UE) dite « Véhicules propres » de 2019 (transposée en droit français fin 2021) qui sont basées sur le principe de la neutralité technologique et fournissent aux Autorités organisatrices un large éventail d’options technologiques pour réduire les émissions des flottes.
Sur la base de cette toute récente directive, de nombreuses collectivités ont déjà investi massivement dans des technologies à faibles émissions, comme le biogaz. Le projet de règlement CO2 risque donc de rendre caducs les investissements engagés notamment dans les infrastructures de distribution et obligera les collectivités à réaliser de nouveaux investissements encore plus importants qui risqueraient de les mettre en difficulté et de retarder de fait la décarbonation des transports.
Bien que les bus électriques et à hydrogène soient des options adéquates pour certains territoires et pour lesquelles il convient de prévoir des aides spécifiques à l’attention des collectivités, d’autres, tels que les véhicules au gaz naturel/biogaz ou recourant aux énergies alternatives, doivent également être pris en compte. En effet, il est crucial de laisser aux Autorités organisatrices le choix stratégique de la conversion de leurs parcs en prenant en compte leurs contraintes et atouts territoriaux. Ainsi, le GART, l’UTP et la PFA appellent de leurs vœux de ne pas interdire, à court terme, la vente des bus au biogaz alors que le financement d’installations de biogaz pour les transports publics urbains se poursuit en Europe, conformément à la directive « Véhicules propres » précitée et au projet de règlement UE pour une industrie « zéro net » qui inclut le biogaz dans les huit technologies prioritaires « contribuant de manière significative à la décarbonation ».