C’est à Paris que s’est tenue les 6 et 7 décembre derniers, la deuxième édition des Intermobil-Idées. Ce rendez-vous annuel du GART a pour objectif d’aborder un enjeu protéiforme sous un angle prospectif. Après une première édition 2022 consacrée au thème « La mobilité au cœur des politiques publiques », l’édition 2023 a porté le débat sur la thématique « Agir pour une mobilité plus inclusive et solidaire », avec près de 80 directeurs, responsables et techniciens de la mobilité adhérents présents durant ces deux jours d’échanges.
La loi d’orientation des mobilités de 2019 a réaffirmé le droit à la mobilité pour tous en introduisant de nouvelles dispositions en matière de mobilité solidaire. Désormais, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) locales, régionales et Île-de-France Mobilités se voient confier la capacité d’organiser des services de mobilité solidaire. Le GART défend une approche solidaire et inclusive de ce principe, vis-à-vis des territoires comme des publics, pour faire face aux besoins immédiats des usagers, en imaginant conjointement les villes et les mobilités de demain. Dans cette perspective, le GART a souhaité inscrire ses Intermobil-idées sous le prisme de la mobilité solidaire. L’occasion, d’une part, de dresser un état des lieux avec des experts reconnus, et d’autre part, de proposer un panorama des plans d’actions engagés par des autorités organisatrices adhérentes.
Au préalable, Jean-Laurent Cassely, journaliste et co-auteur de « La France sous nos yeux » avec Jérôme Fourquet, a dressé un panorama de l’évolution des modes de vie des Français et des besoins de mobilité qui en découlent. Insistant sur la nouvelle hiérarchie des territoires, où les Métropoles occupent une place de choix, Jean-Laurent Cassely s’est interrogé sur la réalité du changement de comportement des Français favorables dans les enquêtes d’opinion au reflux de l’automobile mais peu disposés à modifier en profondeur leurs habitudes. Plus qu’une ère de démobilité, c’est sans doute l’ère des nouvelles mobilités qui s’ouvrent à nous.
Outre l’égalité entre les territoires, il convient de veiller à l’égalité des publics, en levant les différents freins à l’accès aux mobilités. L’un de ces freins relève de l’accessibilité. Les AOM travaillent aux aménagements de leurs équipements et de leurs services pour les rendre plus inclusifs : aux personnes à mobilité réduite ou atteintes d’autres handicaps, comme à celles ayant des besoins spécifiques en termes d’horaires ou de lieux de desserte. L’atelier « Agir pour une mobilité plus inclusive et solidaire » a mis en exergue les initiatives de plusieurs autorités organisatrices dans ce domaine. Bertrand Buineau – responsable du service intermodalité accessibilité et nouvelles Mobilités de la Région Occitanie – a présenté les États généraux de la mobilité solidaire lancés par la Région le 30 novembre 2023. En réunissant une centaine de représentants de collectivités territoriales et du monde de l’économie sociale et solidaire (ESS), ce rendez-vous régional avait pour objectif de travailler à la définition des « publics vulnérables » (demandeurs d’emploi, personnes non-motorisées, personnes en situation de handicap, etc.), à l’identification des besoins (accès aux soins, à l’emploi ou à des formations, pratique d’activités culturelles ou sportives, démarches administratives, etc.), et au recensement des services déjà existants sur le territoire. Les retours remontés permettront à la Région Occitanie d’élaborer un premier diagnostic avant d’aboutir, à l’horizon 2025, à des plans d’actions validés par l’ensemble des partenaires.
Autre retour d’expérience présenté lors de cet atelier, l’initiative du Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise – représentée par Céline Hékimian, directrice offre de mobilités du territoire – qui vise à favoriser l’accès à la mobilité pour tous en mettant en œuvre des dispositifs humains et matériels permettant le développement de l’autonomie des personnes en situation de handicap ou de fragilité. Dans cette démarche, l’AOM a développé un jeu de cartes aidant les « voyageurs vulnérables » à préparer leur déplacement sur la ligne A de tramway. Chaque carte arbore un nom de station ainsi qu’un animal associé à chaque arrêt. Le voyageur peut ainsi mémoriser les animaux et les associer à chaque arrêt de la ligne.
Toutes ces démarches ne peuvent être conçues sans penser leur modèle économique, et plus globalement celui des autorités organisatrices de la mobilité. L’atelier « Pour un nouveau modèle économique en faveur de la mobilité durable » a porté les échanges sur cette problématique à laquelle doivent faire face les collectivités. Le GART y a rappelé les besoins – parmi lesquels, 28 milliards d’euros de besoins de financement supplémentaires (investissement et fonctionnement compris) pour les AOM urbaines hors Île-de-France entre 2023 et 2030 – et a détaillé les modalités opérationnelles de ses 10 propositions pour renforcer le modèle économique des AOM.
L’Europe était également au programme de ces deux jours d’échanges. Dans le cadre de l’atelier « La mobilité durable, un enjeu européen », les représentants de l’Eurométropole de Strasbourg et de Tisséo ont réaffirmé la dimension européenne dans leurs politiques publiques de déplacement respectives. À Strasbourg, une nouvelle ligne de tramway doit voir le jour en 2025 afin d’améliorer les connexions entre les différents quartiers strasbourgeois et les communes du nord de l’agglomération ainsi que les institutions européennes. Dans son intervention, le directeur juridique et financier de Tisséo – Mathieu Garcia – a tenu à souligner l’importance des fonds européens pour la troisième ligne de métro (de l’ordre de 20 millions d’euros) qui doit voir le jour en 2028. Autre projet désormais concret, le téléphérique urbain qui a bénéficié d’aides financières par l’intermédiaire du Fonds européen de développement régional (FEDER).
Cette table ronde a également permis d’aborder l’enjeu de la transition énergétique ainsi que le coût des énergies et des technologies pour les collectivités. Les AOM sont pleinement engagées dans une dynamique de verdissement de leurs flottes pour réduire les émissions de CO2 et répondre aux objectifs nationaux et européens en matière de développement durable. Le GART plaide pour une trajectoire ambitieuse mais plus respectueuse du principe de neutralité technologique face au projet de règlement européen sur les émissions de CO2. Plusieurs intervenants ont rappelé l’idée que les bus électriques et à hydrogène représentent des technologies adéquates pour certains territoires. Cependant, pour d’autres autres, les véhicules au gaz naturel/biogaz ou recourant aux énergies alternatives doivent également être pris en compte. Il est essentiel de laisser aux autorités organisatrices le choix stratégique de la conversion de leurs parcs en prenant en compte leurs contraintes et atouts territoriaux.
Coût d’achat d’un bus
- Bus à gaz : 30% supérieur à celui d’un bus diesel
- Bus électrique : 100% supérieur à celui d’un bus diesel
- Bus à hydrogène : 200% supérieur à celui d’un bus diesel
Les Intermobil-idées se sont clôturées par une réunion des directeurs Transport par type d’autorités organisatrices de la mobilité. Les représentants des Métropoles, des Intercommunalités et des Régions adhérentes ont ainsi pu échanger plus spécifiquement avec l’équipe permanente du GART.
Le GART remercie l’ensemble des intervenants et des participants qui ont contribué à la réussite de cette édition 2023, faisant des Intermobil-Idées, un espace d’échanges variés et mutuellement enrichissants tant pour les experts amenés à s’exprimer que pour les techniciens adhérents de l’association.