Conciliation entre droit de grève et continuité du service public
Le droit de grève et le principe de continuité du service public sont tous deux des principes de valeur constitutionnelle. Il appartient ainsi au législateur et, dans le respect des dispositions édictées par ce dernier, au pouvoir réglementaire et à l’autorité administrative chargée du service public concerné, de concilier ces deux principes afin de permettre aux agents d’exercer leur droit de grève tout en veillant à ce que l’intérêt général soit préservé. Cette conciliation est d’autant plus nécessaire lorsque le service public concerné est considéré comme essentiel pour la population, comme c’est notamment le cas pour les transports publics.
Absence de service minimum mais obligation déclarative
Bien que le législateur ait imposé une obligation de service minimum aux secteurs publics essentiels, afin d’assurer leur continuité en cas de grève, aucune obligation de service minimum n’a été instaurée dans le secteur des transports terrestres de voyageurs.
Cependant, le service minimum peut être rendu obligatoire par une convention. Les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) peuvent choisir d’imposer un service minimum par le biais de conventions avec les opérateurs de transport. A titre d’exemple, la RATP, qui gère le réseau de transports à Paris et en Île-de-France, est tenue de maintenir un service d’au moins 50 % de son réseau pendant les heures de pointe, selon une convention avec Île-de-France Mobilités.
Outre le cas spécifique sus-évoqué, le dispositif légal encadrant le secteur des transports publics régulier de voyageurs prévoit une obligation déclarative des agents grévistes pour permettre l’organisation d’un service réduit grâce aux agents non-grévistes, dans le but de garantir une certaine continuité de service.
Cadre général du droit de grève dans les services publics
Les dispositions relatives à l’exercice du droit de grève dans les services publics sont fixées par le Code du travail. Ces dispositions imposent un préavis pour toute cessation concertée du travail, qui doit :
- être émis par une organisation syndicale représentative au niveau national, sectoriel ou de l’entreprise ;
- préciser les motifs de la grève, le champ géographique, l’heure de début, et, le cas échéant, la durée de la grève ;
- être transmis à l’autorité hiérarchique ou à la direction de l’entité concernée au moins cinq jours francs avant le début de la grève, permettant aux parties de négocier pendant cette période de préavis.
Dispositif spécifique aux services public de transports routiers régulier de voyageurs
Pour les transports routiers réguliers de voyageurs, un cadre spécifique a été introduit, par la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007, afin de garantir la continuité des services en cas de grève. Ce cadre légal instaure des mesures spécifiques de dialogue social, de prévention des conflits et d’organisation en cas de perturbation :
- négociation préalable : avant le dépôt d’un préavis, une négociation doit être conduite entre l’employeur et les syndicats représentatifs, selon des modalités définies par un accord-cadre signés entre les différentes parties ;
- organisation de la continuité du service : en cas de grève, l’AOM définit des dessertes prioritaires selon le niveau de perturbation attendu. Ces dessertes doivent répondre aux besoins essentiels des usagers (desserte des hôpitaux, accès aux établissements scolaires en période d’examens…) ;
- plan de transport adapté : l’entreprise de transport doit également élaborer un plan de transport adapté, en fonction des priorités de desserte définies par l’AOM, ainsi qu’un plan d’information des usagers.
Accord collectif de prévisibilité du service
Les entreprises de transport public doivent signer avec les syndicats un accord collectif de prévisibilité du service, qui précise les conditions d’organisation du travail en cas de perturbation du service, y compris en cas de grève. Cet accord permet d’identifier les différentes catégories d’agents afin de pouvoir réaffecter les non-grévistes à des postes permettant d’assurer partiellement le service.
Obligation de déclaration individuelle pour les agents grévistes
Conformément au Code des transports, les agents souhaitant participer à une grève doivent obligatoirement déclarer leur intention de participer au plus tard 48 heures avant leur cessation de travail. Si un agent décide finalement de ne pas participer à la grève, il est tenu de prévenir son employeur au plus tard 24 heures avant l’heure prévue de son arrêt de travail, afin que l’entreprise puisse le réaffecter et organiser le service en conséquence. Un agent ne respectant pas cette obligation d’information s’expose à des sanctions disciplinaires.
De cette manière, la loi permet de figer le nombre de grévistes avant le commencement de la grève, ce qui permet d’organiser le trafic avec une certaine prévisibilité.
Obligation d’information des usagers et remboursement en cas de perturbation
Toujours dans ce souci d’assurer la continuité du service public, le Code des transports impose aux entreprises de transport de garantir une information fiable, gratuite et actualisée du trafic aux usagers, en cas de grève. En cela, il incombe aux entreprises d’informer les usagers de l’état du service au plus tard 24 heures avant le début de la perturbation. Cette information doit être accessible et détaillée afin de permettre aux usagers d’anticiper leurs déplacements.
Par ailleurs, en cas de manquement dans la mise en œuvre du plan de transport adapté ou du plan d’information, bien que la loi n’oblige pas les entreprises au remboursement des usagers en cas de grève, le Code des transports prévoit toutefois l’indemnisation des usagers n’ayant pas pu utiliser leur titre de transport. L’article L.1222-12 du Code des transports dispose également que l’usager a « droit à la prolongation de la validité de cet abonnement pour une durée équivalente à la période d’utilisation dont il a été privé, ou à l’échange ou au remboursement du titre de transport non utilisé ou de l’abonnement. L’acte de remboursement est effectué par l’autorité ou l’entreprise qui lui a délivré l’abonnement ou le titre de transport dont il est le possesseur. »
Les modalités précises d’un tel remboursement ne sont néanmoins pas fixées dans les textes susmentionnés. Ces modalités doivent être établies par des entreprises de transport, conformément aux contrats qui les lient aux AOM.
Sources
CODE DES TRANSPORTS
Article L.1222-8 : en cas de perturbation, les usagers doivent recevoir une information gratuite, précise et fiable sur le service disponible, au plus tard 24 heures avant le début de la perturbation.
Article L.1222-9 : l’entreprise de transport doit immédiatement informer l’autorité organisatrice de toute perturbation ou risque de perturbation.
Article L.1222-10 : après chaque perturbation, l’entreprise transmet un bilan du plan de transport adapté et du plan d’information aux usagers, en établissant aussi une évaluation annuelle des coûts et investissements nécessaires pour améliorer les plans (C. trans., art. L1222-4).
Article L.1222-11 : si l’entreprise n’exécute pas le plan de transport adapté ou d’information, l’autorité organisatrice peut imposer un remboursement complet des titres de transport des usagers affectés. Les modalités de remboursement sont définies par convention avec l’entreprise.
Article L.1222-12 : les usagers ayant des abonnements ou des titres de transport inutilisables peuvent demander une prolongation de validité, un échange, ou un remboursement. Les pénalités pour non-exécution du plan de transport peuvent être affectées au financement de ce remboursement.
Article L.1324-2 : dans les entreprises de transport public, des négociations doivent être menées entre l’employeur et les syndicats pour établir un accord-cadre avant tout préavis de grève. Cet accord vise à organiser la prévention des conflits et renforcer le dialogue social.
Article L.1324-7 : les salariés doivent informer leur employeur au moins 48 heures avant de participer à une grève pour permettre l’organisation du service. Ceux qui décident de ne pas faire grève ou de reprendre le travail doivent également en informer leur employeur 24 heures avant.
Article L.1324-8 : un salarié qui ne respecte pas son obligation d’information avant de faire ou de cesser de faire grève peut être sanctionné.
CODE DU TRAVAIL
Article L.2512-2 : lorsque le personnel exerce son droit de grève, la cessation concertée du travail doit être précédée d’un préavis.
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